Les informations contenues dans cet article sont tirées dans l’article intitulé « De l’exercice de droit d’usufruit de la terre urbaine à Bukavu » du CT Me Marcellin MAJALIWA NONDO publié dans le Cahiers du CERUKI, Nouvelle Série, 51, 255-266.
Résumé
Les glissements de terrain dans la ville de Bukavu du 14 Avril 2015 et 12 décembre 2015 avaient été causés par les constructions anarchiques dues à l’urbanisation sauvage, la déforestation et la mauvaise gestion des immondices. 35 décès et plusieurs dégâts matériels été enregistrés.
Chaque Etat a le monopole de la contrainte légitime et devrait l’exercer pour que les gens ne construisent pas n’importe où.
De ce qui précède, même si les responsabilités paraissaient partagées à différents niveaux, l’Etat resterait principalement le premier responsable de la mort des citoyens due aux éboulements.
Pour une bonne gestion et prévention des catastrophes dans la ville de Bukavu, la province devrait appuyer et améliorer le cadre juridique d’attribution des permis de bâtir et des titres fonciers en tenant compte du « droit d’usufruit ».
Le rôle de l’Etat est de protéger la vie de ses citoyens, pour cela il organise un ensemble de services spécialisés pour concourir au bien être de la communauté. Il est inconcevable que les services techniques de l’Etat puissent aliéner des titres de propriétés et des autorisations de bâtir sur des sites déclarés impropres à la construction, on ne protège pas sa population comme cela.
Problématique
Dès sa naissance en 1959 par les Belges, Bukavu fut créée pour une population de 45.000 habitats au maximum. Cependant, la ville n’est pas restée statique mais plutôt dynamique. La ville grandissait étape par étape. Sa croissance était liée à deux faits. D’une part, elle s’est épanouie grâce à son développement économique en relation avec la création de nombreux emploi ayant fait appel à une main d’œuvre importante, d’autre part grâce à l’insécurité grandissante, aux guerres, aux conditions de vie pénibles dans les villages, elle héberge aujourd’hui en 2015 près d’un million de personnes(et pourtant en 2002 elle avait 201.000 comme habitants, en 2011 elle avait 712.433 habitats, en 2012, 806.940 habitants (mairie de Bukavu 2012) et en 2013, 824.974 habitats selon le ministère de la santé en 2013).
La ville de Bukavu est érigée sur les hauteurs surplombant le Lac Kivu ainsi que la rivière Ruzizi qui la limitent avec le Rwanda ; géographiquement elle longe un relief montagneux avec une saison de pluie de six mois maximum. Ses différentes collines sont surchargées par des constructions de tous ordres. Tous les arbres qui faisaient la beauté de ville et qui la protégeaient contre les érosions furent tous abattus par les réfugiés rwandais fuyant le génocide de 1994. Cette destruction de l’écosystème de la ville a donné cours aux érosions et éboulements le plus spectaculaires et meurtriers.
Dans les quartiers de trois communes, la menace d’éboulements est réelle. Par-ci par-là on voit des affaissements de la terre et des maisons fissurées. Les pauvres sont les plus vulnérables aux catastrophes, car ils disposent de moins de ressources pour les prévenir ou pour faire face à leur impact. Les hommes et l’environnement sont des plus en plus touchés par les conséquences des catastrophes naturelles. Cela s’explique par un certain nombre de raisons, comme l’accroissement de la population et la densité démographique, les migrations et l’urbanisation sauvage, la dégradation de l’environnement et le changement climatique mondial possible.
Suite aux constructions sur des sites à risque et l’utilisation des matériaux de construction non adapté à la ville de Bukavu présentant un relief à pente élevé, l’essor démographique croissant, la nature du sol et au manque de rigueur de la part des décideurs lors de l’octroi des parcelles, des cas de glissement de terrain surviennent dans la ville de Bukavu causant des dégâts matériels, humains et environnementaux énormes. A titre illustratif, en 2011 Bukavu avait une perte d’au moins de dix morts suite aux éboulements, en 2012 d’au moins dizaines des morts, en 2013 d’au moins de six morts, en 2014 d’au moins de vingt-un morts et enfin en 2015 d’au moins trente-cinq morts.
Dans ce contexte, l’auteur souhaitait répondre aux questions suivantes :
- La constitution congolaise de 2006 et les codes verts de 2002 consacrent-ils les ressources environnementales (la terre) comme un droit d’usufruit ?
- Quelles sont les causes et conséquences du glissement de terrain sur les bâtiments, sur les vies humaines et sur l’environnement dans la ville de Bukavu ?
- A qui incombe la responsabilité des tous les dégâts humaines comme matériels survenus lors de ces catastrophes du 14 Avril et 12 Décembre 2015
Milieu d’étude
La ville de Bukavu est située au Sud du Lac Kivu est le chef-lieu de la province du Sud-Kivu. A part sa fonction politico administrative, Bukavu est également une ville commerciale, touristique, religieuse et intellectuelle la plus importante de la province. Sa population qui envoisine un million d’habitats, connaît un fort exode rural accentué surtout par les troubles politiques dues aux rébellions dans le pays depuis 1996.
Quant aux terrains qu’on y trouve, ils peuvent être groupés en deux ensembles principaux : les terrains du socle et les terrains volcaniques, auxquels il faut ajouter un troisième ensemble : les terrains de couverture que l’on trouve au fond des lacs Kivu, Tanganyika, ainsi que dans la plaine de la Ruzizi. Le socle réunit tous les terrains antérieurs au carbonifère moyen et couvre pratiquement tout l’Ouest et la Centre de la province, plus de 70% de l’étendu de la province.
Tableau 1 : les caractéristiques de chaque site.
Sites |
Altitude |
Caractéristique des sites |
Muhungu la sapinière, avenue Manga |
1465m |
– Pente très forte ;
– Pas de canalisation d’eau e pluie ; – Construction des maisons sans normes urbanistiques ; – Végétation presque inexistante et présence d’une source d’eau souterraine. |
Nyakalib, avenue Kahuzi (commune de Kadutu) |
1604m |
– Construction anarchique ;
– Pente très forte ; – Végétation presque inexistante. |
A Panzi, vers la Rivière RUGAMBA à Bizimana |
1511 |
– Construction anarchique ;
– Absence d’urbanisation et – Absence de végétation. |
Méthodologie
La première étape a consisté à une visite des sites sinistrés (Muhungu la Sapinière en commune d’Ibanda et Nyakaliba, Avenu Kahuzi dans la commune de Kadutu) à travers une marche transversale (transect walk) telle que défini par Dery et al. (Dery, B., B. Otsyina et R. Ng’atigwa, 1999) en vue de s’imprégner des problèmes causés par ces glissements de terrain. Une fois sur terrain, nous avons également procédé à l’observation directe du site sinistré pour connaître les dégâts des glissements de terrain sur les humains, les bâtiments, ainsi que ses conséquences et ses causes sur l’environnement. Après observation des caractéristiques des sites sinistres, celles-ci ont été notées dans un carnet de terrain. Les coordonnées géographiques (altitude, latitude et longitude) des sites étaient déterminées à l’aide d’un GPS. Les altitudes et longitudes ont été utilisées dans l’opération d’élaboration de la carte.
Pour bien comprendre cette contrainte des catastrophes survenues dans la ville de Bukavu du 14 avril et 12 décembre, nous avons dû faire des études de cas auprès des personnes victimes de la catastrophe en recourant à l’interview des personnes rencontrées au lieu du sinistre avec des questions simples et ouvertes pour des éclaircissements sur ce glissement de terrain.
Pour présenter l’image cartographique des sites de glissement de terrain survenus dans la ville de Bukavu du 14 avril 2015 et du 12 décembre 2015, nous avons procédé par la saisie des données de latitude et longitude des sites sinistrés à l’aide du tableur Microsoft Excel 2007. Les données satellitaires ont été appuyées par des prélèvements des coordonnées géographiques à l’aide du GPS. L’image satellitaire obtenue a été ensuite numérisée au laboratoire de Géophysique du Centre de Recherche en sciences Naturelles à l’ide de logiciel de cartographie Arc GIS.
Néanmoins, nous nous sommes servis encore de méthode exégétique (Neuman, L., W., 2011) ; cette dernière nous a permis de faire une critique des textes juridiques régissant le droit d’usufruit en droit interne congolais en les transposant en droit de l’environnement qui le consacre d’une manière tacite.
Résultats
Résultat 1 : Etat de glissement
La Constitution congolaise de 2006 et les codes verts 2002 consacreraient la terre (sol) comme l’une des ressources environnementales comme étant un droit d’usufruit, d’une manière tacite dans la mesure où ils utilisent le terme préserver pour la génération présente et à venir, au lieu de les prévoir d’une manière explicite. Dans ce sens, l’homme n’a qu’un droit de jouir et user de la terre et non de la détruire. Le non de la détruire. Le non-respect du droit d’usufruit de la terre entraine comme conséquence la perte des vies humaines et autres dégâts matériels important dans l’environnement de l’homme.
Tableau2 : conséquence du glissement de terrain du 14/04/2015 sur les humains, les matériels et l’environnement
Date et lieu |
Conséquence sur les bâtiments |
Dégâts humains |
Conséquences sur l’environnement |
Causes du glissement |
Le 14/04/2015 Muhungu la sapinière, avenue Manga, commune d’Ibanda | Trois maisons ont glissées, dix morts et trois personnes blessées | Dix morts et trois personnes blessées | Mauvaise odeur dans le milieu sinistré | – Absence d’une canalisation des eaux de pluie ;
– Déforestation ; – Essor démographique. |
Le 14/04/2015 Nyakaliba Avenue Kahuzi, commune de Kadutu | Chute d’un mur de soutènement d’une parcelle qui s’est écroulé sur une maison en bois | Quatre morts et deux personnes blessées | Beaucoup d’immondices qui rendent le milieu le inhabitable | – Déforestation
– Essor démographique |
Il ressort de ce tableau que le glissement de terrain de Muhungu la Sapinière a fait glisser trois maisons. A cet endroit on a enregistré la mort de dix personnes et trois personnes blessées comme dégâts humains. L’absence d’une canalisation des eaux et de la déforestation ont été les causes principales de la catastrophe. En outre, à Nyakaliba, avenue Kahuzi dans la commune de Kadutu, un glissement de terrain a fait qu’un mur de soutènement s’écroule sur une maison en bois, ce mur avait été mal construit. L’on déplore la mort de 4 personnes et deux blessées à cet endroit. Cependant, l’absence des arbres et une forte agglomération de la population ont été les causes de la catastrophe.
Résultat 2 : les causes des éboulements
Les causes des éboulements et érosions dans la ville de Bukavu seraient d’une urbanisation quasiment inexistante et s’elle n’a jamais été actualisée, on construit vaille que vaille, sans règles élémentaires d’urbanisation. On construit sur des égouts, sur les tuyaux de la REGIDESO sans canalisation des eaux de toitures, sans savoir ou jeter les immondices. Pire encore, l’abattage des arbres qui luttent contre les éboulements et érosions, est devenu monnaie courante dans la ville de Bukavu, et favorise l’emportement des vies humaines et font d’autres dégâts matériels dès qu’il y’a une forte pluie.
Tableau : Conséquence du glissement de terrain sur les humains, les dégâts matériels et sur l’environnement du 12 décembre 2015
Date et lieu |
Conséquences sur les bâtiments et sur les véhicules |
Dégâts humains |
Conséquence sur l’environnement |
Causes du glissement |
Le 12/12/2015 Av. route d’Uvira, commune d’Ibanda | Trente maisons inondées, dont quatre maisons détruites à cause d’un éboulement et onze véhicules emportés par les eaux de pluie. |
Treize morts |
L’insalubrité totale sur toute l’avenue, pollution du Lac Kivu par les immondices | – Absence d’une canalisation des eaux de pluie ;
– Déforestation ; – Essor démographique ; – L’urbanisation totale absente. |
Le 12/12/2015, quartier Panzi, vers Muchununu/Ibanda | Quinze maisons inondées par les eaux de pluie et cinq maisons complètement détruites. | Trois morts | Destruction des zones de reproduction des poissons par les immondices | – Déforestation ;
– Essor démographique ; – Absence de canalisation. |
Le 12/12/2015 à Kadutu, av. industruelle |
Six maisons inondées |
Une personne morte par électrocution et un corps trouvé sans vie après deux jours. |
Présence des immondices |
Absence de l’urbanisation et une grande densité de la population. |
Il ressort de ce tableau que quatre maisons ont été détruites suite à un éboulement de terrain sur l’avenue route d’Uvira et trente maisons inondées par l’eau de pluie suite au débordement de la rivière Kahwa ; à cet égard, on enregistre treize morts et une pollution grave des immondices sur le Lac Kivu due à cette catastrophe ; cependant, les causes sont légions en l’occurrence l’absence d’une canalisation des eaux de pluies, la déforestation et l’urbanisation quasiment absente ;
S’agissant du quartier Panzi, quinze maisons ont été inondées par les eaux de pluie et cinq maisons complètement détruites ; en cela, nous avons enregistré trois morts, il y a eu la destruction des zones de reproduction des poissons due aux immondices se trouvant dans la rivière Ruzizi, les causes sont dues de l’absence de la végétation et canalisation.
Certes, à Kadutu vers l’avenue industrielle, six maisons ont été inondées, une personne morte par électrocution et un corps sans vie retrouvé après deux jours dans la même avenue ; ainsi, beaucoup d’immondices se versant dans la rivière Kahwa. Les causes sont dues à l’absence de l’urbanisme et une zone fortement habitée.
Même si les responsabilités paraissaient partagées à différents niveaux, l’Etat resterait principalement le premier responsable de la mort des citoyens due aux éboulements.
Chaque Etat a le monopole de la contrainte légitime et devrait l’exercer pour que les gens ne construisent pas n’importe où.
Discussion
Les glissements sont des aléas qui peuvent se transformer en risque pour les populations. Ils sont nombreux sur des pentes fortes de la ville de Bukavu, notamment à Muhungu la Sapinière et à Nyakaliba, avenue Kahuzi, mais ces glissements peuvent se produire sur des pentes assez modestes comme celle de Cuesta de l’Ile de France.
Par contre à Bukavu, ces glissements se produisent sur les pentes très fortes. Leur intensité et leur fréquence ne sont pas toujours aisées à préciser.
La raison pour laquelle la ville de Bukavu souffre de glissement de terrain fréquent tient d’une combinaison du climat tropical humide et le fait que la ville est construite sur d’anciennes coulées de lave et d’épais sols d’argile. Elle est découpée par plusieurs failles actives connes sous le nom de « Bukavu micro-rift ». 15% de la ville risque de glissement de terrain et le plus grand glissement de terrain se produit dans ce micro-rift déclenché par des évènements à la fois hydrologiques et sismiques. La déforestation et une large croissance de la population constituent les causent directes. Au Sud-Kivu, le couvert forestier continue de régresser de façon inquiétante, à un rythme moyen fort élevé. On ne voit pas jusque-là une volonté réelle de mettre un terme à cette coupe de forêts, ni celle qui anime les acteurs pour reboiser les collines restées nues (www.ijirs.journals.org, ISSN 2351-8014 Vol. 14 No. 2 Apr. 2015). Quelques tentatives sont observées çà et là et les initiatives forestières devaient être accélérées en province.
La province du Sud-Kivu est confrontée au problème de gestion locale de l’environnement notamment par le manque de financement de la lutte contre la désertification par l’aménagement et l’exploitation durable des terres, l’utilisation à des bonnes fin des recettes provenant de l’impôt foncier, l’amélioration des conditions juridiques d’attribution des permis de construire et des titres fonciers. Les activités agricoles sont également à la base de nombreux désagréments sur le lieu naturel y compris le sol. La plupart d’érosion et éboulement sont provoqués dans la province par l’activité de l’homme. Il s’agit du mauvais usage des sols et de l’absence d’entretien que l’homme devrait apporter aux terrains présentant un danger (Buishe Habari J.M., 2013).
La complexité du phénomène des ressources environnementales comme la terre (sol) ajoutée à la carence législative en ce qui les concerne, nous conduit à les envisager sous un jour nouveau.
La consécration de l’usufruit des ressources environnementaux comme la terre se révèle aujourd’hui plus qu’une nécessité afin d’éviter le pire dans le domaine de l’environnement. Doivent être classés dans cette catégorie, toutes ces ressources environnementales sans considération de leur appartenance dans l’une des catégories des droits patrimoniaux.
Comme nous le savons, l’usufruit est un droit réel qui accorde à son titulaire le droit d’user de la chose et d’en jouir mais en charge d’en conserver la substance (PATRICK. M. 2012).
En fustigeant ce principe prévu dans plusieurs conventions internationales, nous venons de remarquer que le législateur international avait déjà consacré le droit d’usufruit dans ce domaine d’une manière tacite en ce sens qu’il a utilisé l’expression préserver, c’est-à-dire la conservation d’un bien et mais aussi nous empruntons nos ressources aux générations futures. Il en découle comme conséquences que nous ne sommes pas « propriétaires » de ces ressources et de ce patrimoine, nous n’avons que l’usufruit sur ces ressources.
En somme, la consécration de l’usufruit des ressources environnementales comme la terre ne résout pas en soi tous les problèmes concerna la détérioration de ces ressources, telles que par exemple, la pollution de l’air et eau, la dégradation de la flore et la faune, la désertification et la sécheresse. Les conflits peuvent naître de l’essence même d’usufruit des ressources environnementales (BALLET, J., 2007).
Malheureusement, force est de constater que les différentes lois en l’occurrence la constitution congolaise et dans les codes verts consacrent la terre (sol) comme étant un droit d’usufruit parmi les ressources environnementales, d’une manière tacite au lieu de la prévoir d’une manière explicite, en ce sens qu’elle utilise l’expression : préservation pour la génération présente et à venir.
Face à la matérialisation et l’intensification de ces problèmes, il faudrait intégrer désormais dans la constitution et dans le codes verts l’aspect d’usufruit, c’est-à-dire le droit d’user et jouir pour la bonne sauvegarde du sol dans notre pays, dans le désir légitime de maintenir un environnement sain en respectant évidement le principe de précaution, de prévention et surtout de prudence, principes chers au droit international de l’environnement (RIBAUT.J.P. et DERLEY.M.J., 1997).
L’exploitation saine du sol urbain de Bukavu servirait à une meilleure protection de l’environnement, conformément aux normes et usages internationalement reconnus par la RD Congo dans ses lois en vigueur. Il est avéré qu’une qu’une bonne gouvernance nationale de l’environnement qui vise à améliorer les mécanismes internationaux écologiques fourniront les fondements de la protection de l’environnement et de conservation de la terre, à faveur du développement durable (PRIEUR.M, 2012-2013). Compte tenu de la diversité des ressources environnementales et de la difficile prévisibilité quant aux situations auxquelles elles peuvent donner lieu, l’honneur reviendra au juge de garantir leur bon fonctionnement.
Si les peuples congolais sont victimes de glissement de terrain, il faudrait donc s’en remettre aux règles du droit international de l’environnement pour pouvoir établir la responsabilité de l’Etat et ainsi réparer les dommages.
Les mécanismes de réparation des dommages ne doivent pas rester la seule préoccupation ; encore faut-il se préoccuper des voies de recours par les quelles les individus affectés pourraient jouir en cas de violation de leur droit à une terre saine.
Il est vrai que le droit à un environnement sain fait partie de droits humains et c’est ainsi que l’Afrique, en le reconnaissant comme tel, le consacre dans sa charte des droits de l’homme et des peuples à son article 24 (la Constitution de la république démocratique du Congo de 2006). Il faudrait donc les victimes des dommages causés par l’activité humaine portant atteinte à leur droit puissent se prévaloir de cet article pour attraire soit le gouvernement congolais soit une société qui exploite, devant la commission africaine des droits de l’homme et des peuples (chartes africaines des droits de l’homme et des peuples, 1981).
Ainsi, lorsqu’on se réfère au droit commun c’est-à-dire au droit des obligations, il est prévu un mode de réparation pour tout préjudice causé par une personne à autrui à travers l’article 258 du code civil congolais livre III, qui dispose : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Or, dans le domaine du droit de l’environnement, ce mécanisme de réparation est prévu tout d’abord par le code minier congolais, dans lequel on trouve une sûreté financière de réhabilitation de l’environnement (La loi n°007/2002 du 11 juillet 2002).
La RD Congo, ayant ratifié la CADHP (commission africaine des droits de l’homme et des peuples), il est donc évident que la voie de recours la mieux indiquée pour la victime, en cas de violation de leur droit d’usufruit de la terre, reste la CADHP. Cette victime pourra donc attraire soit l’Etat congolais soit une personne morale responsable du dommage causé.
Avec la présence au Kivu de plusieurs pentes raides et dans la plupart de cas dénudées, les érosions sont facilitées et les éboulements suivent emportant souvent avec elle des vies humaines et des biens.
Les catastrophes liées aux activités de l’homme sont celle qui reflète la présence des constructions sur des sites impropres et sur des ouvrages de la SNEL et de la REGIDESO/Bukavu. D’autres individus ont carrément bouché les buses permettant l’évacuation des eaux vers le Lac Kivu.
La catastrophe de 2008 due au tremblement de terre a également démontré que la ville de Bukavu se trouve devant un défi : manque de vulgarisation du plan de contingence pouvant guider les victimes notamment dans leur prise en charge. Ce tremblement avait entrainé la mort de 7 personnes, 447 blées, 1729 familles affectées et la destruction de 99 bâtiments (OCHA, 2008). Selon les décharges recevant des déchets ultimes doivent être prévues pour assurer une bonne gestion des déchets au lieu que ces derniers détruisent la biodiversité du Lac Kivu. L’imperméabilisation du fond doit éviter l’écoulement des eaux de décharge dans le milieu et l’imperméabilisation en surface doit empêcher la pénétration de l’eau de pluie dans la décharge. Des cas de pollution très grave sont apparus notamment en Allemagne où on constante la pollution à la dioxine suite à une construction au-dessus d’ancienne décharge. Il est vrai que bien souvent on a oublié l’existence d’anciennes décharges à ciel ouvert et rapidement recouvert de terre avant que des aménagements nouveaux soient effectués au-dessus, cette situation est similaire à la ville de Bukavu, précisément à Nyakaliba, avenue Kahuzi.
Dans une grande majorité de villes en développement, l’habitat précaire, non réglementaire est bien souvent la règle et constitue un élément dominant des paysages. Les quartiers comme ceux de Bukavu qui résultent d’une absence de processus légales dans l’acte de construire et des stratégies d’occupation de sol très diversifiées sont implantés dans les périphéries de plus en plus accidentés. Ces quartiers délaisses composés de matériaux de récupération ou en voie de dulcification, sont pour la plupart dépourvue d’équipement ou d’infrastructures de base (eaux, assainissement) ou de voirie bitumée.
C’est un habitat qui cumule de nombreux problème d’ordre environnementaux en particulier, car ils sont implantés fréquemment dans les zones polluées à proximité de décharges d’ordures à ciels ouvert dans les lieux où le ramassage est absent ou encore sur les pentes abrupte de certains reliefs ou dans des secteurs naturels fragiles, dans des cuvettes ou vallées inondable. Sur pentes raides de la ville, la haute densité des maisons nouvellement construites a entrainé une réduction de l’infiltration d’eau et rehaussé l’écoulement causant les glissements de terrains. Ceci à régulièrement entrainé des dommages et détruits des bâtiments, routes, systèmes hydraulique et infrastructures d’évacuation des eaux usées ainsi que des pentes en vies humaine.
La ville de Bukavu est située dans des zones à risque, il en résulte une très grande vulnérabilité aux inondations, glissements de terrain ou catastrophes naturelles. De plus, les sols sont fragilisés par de fortes densités ou des infiltrations permanentes liées aux éboulements des eaux usées non canalisées. Cette situation est similaire dans les bidonvilles du Maroc où a constaté que leur installation entraine une forte densité et surpeuplement, absence de confort et problème de salubrité, précarité et fragilité sociale.
L’affirmation suivante est valable pour notre pays actuellement (Le Roy E., arsenty A., Bertrand A., 1996).
En outre, la région est tellement tectonique qu’elle exige un certain nombre de précaution dans la construction, ce sur quoi on ne tire jamais attention. Tout cela cause des éboulements et érosions qui emportent des vies humaines et font d’autres dégâts matériels dans la ville de Bukavu. Le rôle de l’Etat est de protéger la vie de ses citoyens, pour cela il organise un ensemble de services spécialisés pour concourir au bien être de la communauté. Il est inconcevable que les services techniques de l’Etat puissent aliéner des titres de propriétés et des autorisations de bâtir sur des sites déclarés impropres à la construction, on ne protège pas sa population comme cela. L’Etat reste principalement le premier responsable de la mort des citoyens due aux éboulements, chaque Etat a le monopole de la contrainte légitime et devrait l’exercer pour que les gens ne construisent pas n’importe où.
Conclusion et recommandation
Notre réflexion sur l’exercice de droit d’usufruit de la terre urbaine à Bukavu avait comme objectif d’élaborer la catastrophe des glissements de terrains survenue dans la ville de Bukavu du 14/04/2015 et 12/12/2015, ses causes et ses conséquences sur l’homme et sur le droit d’usufruit environnemental de la terre. Les dégâts survenus montrent qu’à Muhungu la Sapinière on a fait glisser tois maisons. A cet endroit on a enregistré la mort de dix personnes et trois personnes blessées comme dégâts humains. L’absence d’une canalisation des eaux et de la déforestation ont été les causes principales de la catastrophe.
En outre, à Nyakaliba, avenue Kahuzi dans la commune de Kadutu, un glissement de terrain a fait qu’un mur de soutènement s’écroule sur une maison en bois, ce mur avait été mal construit. L’on déplore la mort de 4 personnes et deux blessés à cet endroit. Cependant, l’absence des arbres et une forte agglomération de la population ont été les causes de la catastrophe.
En plus, quatre maisons ont été détruites suite à un éboulement de terrain sur l’avenue route d’Uvira et trente maisons inondées par l’eau de pluie suite au débordement de la rivière Kahwa; à cet égard, on enregistre treize morts et une pollution grave des immondices sur le sur le Lac Kivu due à cette catastrophe ; cependant, les causes sont légions en l’occurrence l’absence d’une canalisation des eaux de pluie, la déforestation et l’urbanisation quasiment absente.
S’agissant du quartier Panzi, quinze maisons ont été inondées par les eaux de pluie et cinq maisons complètement détruites ; en cela nous avons enregistré trois morts ; il y’a eu la destruction des zones de reproduction des poissons due aux immondices se trouvant dans la rivière Ruzizi ; les causes sont dues de l’absence de la végétation et canalisation.
Certes, à Kadutu vers l’avenue industrielle, six maisons ont été inondées, une personne morte par électrocution et un corps sans vie retrouvé après deux jours dans la même avenue ; ainsi beaucoup d’immondices se versant dans la rivière Kahwa. Les causes sont dues à l’absence de l’urbanisation et une zone fortement habitée. Au total, nous avons connu 35 personnes mortes.
En conséquence, l’Etat doit interdire aux citoyens de la ville de Bukavu de construire ou mener leurs activités sur des pentes raides et espaces à risque. Une bonne politique de reboisement doit être définie par le gouvernement provincial afin de minimiser les risques dans les jours avenir.
Tout le monde qui a construit sur de terrains à risques devra être évacué vers des nouveaux lotissements respectant les règles d’urbanisme, ce qui entrainera l’élargissement de la ville de Bukavu. Pour y arriver ceci devra être appuyés par l’amélioration juridique d’attribution des permis de bâtir et des titres fonciers tenant compte des normes sismiques. L’Etat devra interdire la construction le long des lits des rivières pour éviter que ces maisons ne soient emportées lors de pluie.
Sans ambages, pour une gestion et prévention des catastrophes naturelles dans la ville de Bukavu, le gouvernement provincial devra mettre en place une synergie des spécialistes (architectes, géologues, environnementalistes, ingénieurs, sismologues, sociologues, techniciens de service public de l’Etat, etc.) en vue d’identifier et de proposer des nouveaux lotissements respectant les normes urbanistiques.
Les décideurs congolais doivent se pencher sur cette question dans la mesure de disposer suffisamment des moyens juridiques de taille afin de faire face à ces questions, car l’usufruit de la terre urbaine de Bukavu est un partenaire involontaire et obligatoire car en le négligeant, on se néglige autrement d’une manière ou d’une autre. Pourquoi ne pas se pencher sur la question et envisager un avenir avec optimisme, car la violation de ces droits d’usufruit de la terre porte atteinte aux droits humains.
Joël MUBAKE (SddNature, Bukavu)
2 commentaires
Si tout le monde pourrais savoir et comprendre les informations contenues dans ce travail ça changerais notre manière globale de penser et nous ne seront ne seront pas où nous sommes aujourd’hui, courage à vous snnd
Merci beaucoup pou ce travail le programme PROECCO y travail