La perturbation des sédiments est la principale variable influençant la richesse des espèces dans le lac Tanganyika. Les zones du lac Tanganyika les moins diversifiées se trouvent invariablement à proximité des deltas de grandes rivières, en particulier les deltas des rivières Ruzizi(RDC), Malagarasi(Tanzanie), Lugufu(Tanzanie) et Ifume(Tanzanie).
Les localités fortement perturbées, présentaient une richesse en espèces, 62 % inférieure à celle des zones non perturbées. Pour les rivières Ruzizi et Malagarasi, cette réduction de la richesse en espèces est perceptible à plusieurs kilomètres de l’embouchure de la rivière.
C’est les résultats d’une étude réalisée par ANDREW S. COHEN, du département de Biologie et géoscience de l’université de l’Arizona et publiée dans Conservation biology en 1993, vol.7 no.3 pp. 667-677.
Pour examiner la relation entre la sédimentation excessive causée par la déforestation et la diversité biotique dans le lac Tanganyika, cet auteur avait procédé par estimation de la charge sédimentaire de manière qualitative, en se basant sur la taille des panaches de sédiments entrant dans le lac et sur la proportion de déforestation et d’encaissement des chenaux mise en évidence par les images Landsat et les photographies aériennes.
Les résultats de cette étude renseignent qu’il existe des différences importantes entre la composition de poissons et celle de la faune d’ostracodes (une classe de crustacés microscopiques dont certaines espèces sont utilisées comme bio-indicateurs de certaines pollutions) à différentes profondeurs et sur différents substrats. La région avec des substrats durs montrent la diminution la plus marquée de la richesse en espèces.
Les sites zambiens non perturbés (Mbita Island NE et Mbita Island SW) contenaient le plus grand nombre d’espèces dans tous les sites à toutes les profondeurs analysées.
Le site à perturbation modérée (SOPELAC Company, en Zambie) n’a été examiné qu’à trois profondeurs et était intermédiaire dans la richesse des espèces pour deux de ces profondeurs.
Le site du nord du Burundi (PK29), fortement perturbé, présentait des richesses en espèces nettement inférieures pour les quatre profondeurs recensées sur les deux sites.
Pour rappel, les études réalisées par Caljon en 1987 et 1991, renseignent que les taux d’érosion du sol de la rivière Ntahangwa (Burundi), situé en pente raide et intensivement cultivé, varient entre 28 et 100 tonnes métriques par ha et par an. La quasi-totalité de ces sédiments est déversée dans le lac Tanganyika.
Étant donné que les poissons, les ostracodes et d’autres taxons endémiques du lac Tanganyika qui dépendent de la clarté de l’eau et de la complexité de l’habitat (comme les algues benthiques, les éponges et les gastéropodes bivores) constituent la grande majorité des espèces de ce lac, l’auteur recommande que toute stratégie efficace de maintien de la biodiversité doit tenir compte du lien étroit entre les sources de pollution sédimentaire sur terre et la réduction de la diversité dans le lac.
Pour l’auteur, les résultats de cette étude ont des implications pour l’établissement et la gestion des réserves sous-marines du lac Tanganyika. Il suggère que les marges des lacs situés à proximité de petits bassins versants résistants à l’érosion seront plus facilement protégées en cas de déforestation.
Inversement, les réserves lacustres établies à proximité de grands bassins versants et/ou de bassins versants facilement érodés devraient incorporer ces zones adjacentes dans la réserve afin d’éviter que la sédimentation n’endommage les écosystèmes.
Joël MUBAKE
4 commentaires
Merci beaucoup pour cet article très intéressant.
Vraiment c’est très capital cette matière
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