La militarisation de la conservation est en soi fondamentalement problématique, précisément parce qu’elle peut servir à ancrer davantage la dynamique des conflits, plutôt que de les résoudre.
C’est les résultats d’une étude réalisée par Rosaleen Duffy, de l’université de Sheffield au Royaume-Uni, publiée en avril 2019 dans Biological Conservation, volume 232, page 66-73 et disponible dans le journal ScienceDirect.
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Les inquiétudes concernant le braconnage et le trafic ont conduit les défenseurs de l’environnement à chercher des réponses urgentes pour faire face à l’impact sur la faune. Une solution possible était la militarisation de la conservation, qui a des conséquences potentiellement importantes.
En voulant savoir comment la militarisation de la conservation peut contribuer à la violence là où la conservation opère dans le contexte d’un conflit armé, l’auteur découvre les intersections entre la conservation et la dynamique plus large des conflits armés.
Pour cet auteur, Une question pertinente qui nécessite un débat plus approfondi est de savoir si la conservation militarisée contribue finalement à l’augmentation des niveaux de violence dans les contextes de conflit armé.
Selon ce dernier, Lorsque les écologistes opèrent dans des zones de conflit, ils sont souvent confrontés à des pressions intenses et peuvent se sentir directement menacés par des groupes armés et par des braconniers lourdement armés. Face à de telles menaces, cela peut sembler une réponse de « bon sens » pour les gardes forestiers de recourir à l’usage de la force pour protéger la faune et eux-mêmes.
Cependant, lorsqu’ils utilisent facilement la force, il peut arriver que des groupes (y compris des gardes forestiers), qui sont armés à des fins de conservation, soient simplement considérés comme un autre groupe armé engagé dans un conflit. Cela peut conduire à une escalade des armes et des niveaux de violence, et une fois qu’une telle dynamique est générée, il est difficile de désamorcer (Duffy, 2016 ;Humphreys et Smith, 2014 ).
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Bien que les affirmations très médiatisées selon lesquelles le braconnage est une stratégie de financement cruciale pour les milices, les groupes rebelles et même les réseaux terroristes. Par exemple, l’Elephant Action League a affirmé de manière controversée qu’Al Shabaab utilisait l’ivoire pour financer des activités terroristes. Ce récit a été repris par un éventail d’ONG, de fondations philanthropiques, de gouvernements et de médias (Duffy, 2016). Cependant, plusieurs études montrent que ces affirmations sont mal étayées et reposent sur de fausses hypothèses (Duffy, 2016 ;Smith & Haenlein, 2016 ; Sommerville, 2016 ; Blanc, 2014 ; Kelly et al., 2018 ).
L’intensification des collaborations entre les défenseurs de l’environnement, les armées nationales et les opérations de maintien de la paix des Nations Unies pourrait également bénéficier d’une plus grande réflexion critique. Cela pourrait s’appuyer sur des débats de longue date dans la politique et les relations internationales sur les risques et les défis de travailler avec ce type d’institutions militaires.
Par exemple, une grande partie de la littérature sur les opérations de maintien de la paix des Nations Unies souligne que le maintien et l’imposition de la paix signifie souvent prendre parti, et qu’il n’est pas possible (ni même nécessairement souhaitable) d’être des « partenaires neutres » dans une zone de conflit (Verweijen, 2017 ; Fassin, 2012). C’est un point important pour les défenseurs de l’environnement qui cherchent à s’associer aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies : travailler avec des acteurs militaires signifie s’intégrer plus profondément dans la dynamique même des conflits qui sapent les efforts de conservation, renchérit l’auteur.
Il existe également des risques à fournir une formation et des équipements militaires aux gardes forestiers, car il existe des cas où les nouvelles compétences et armes sont retournées contre la faune et les communautés locales. Cela s’est produit par exemple en RCA où un garde de parc qui a reçu une form犀利士
ation paramilitaire financée par la Commission européenne est devenu un chef rebelle avec le mouvement Seleka, et de nombreux autres gardes de parc formés à l’extérieur ont également rejoint (Lombard, 2016).
Dans certains cas, les soldats des armées nationales se livrent à des violations des droits humains et sont considérés comme une force répressive et hostile. Travailler avec des partenaires militaires peut donc contribuer à une vision plus négative du travail des gardes du parc parmi ceux qui subissent le poids de ces abus (Verweijen et Marijnen, 2018).
La collaboration avec des partenaires militaires ayant des antécédents d’abus sociaux et écologiques est potentiellement problématique pour les défenseurs de l’environnement car elle peut infliger des dommages importants à la réputation sur la scène internationale, sapant ainsi le soutien international à la conservation, conclut l’auteur.
Joël MUBAKE